PÉTROLE - Le stockage

PÉTROLE - Le stockage
PÉTROLE - Le stockage

On entendra par pétrole l’ensemble des hydrocarbures, qui, selon leur composition chimique, les conditions de température et de pression où ils se trouvent, ont des aspects physiques divers. Les techniques de stockage visent, tout au long de la chaîne qui va de la production à la consommation, à emmagasiner le plus économiquement possible toutes sortes de produits: gaz, à l’état gazeux ou liquéfié, aux températures normales ou cryogéniques; liquides, avec ou sans tension de vapeur, à température ambiante ou réchauffés (fuels lourds).

Poids économique de la fonction de stockage

Le poids économique de la fonction de stockage découle de la part importante qu’ont et que garderont vraisemblablement les hydrocarbures, bien au-delà de l’an 2000, dans l’approvisionnement énergétique des nations industrielles.

Pour celles dont la production nationale ne couvre qu’une faible partie des besoins (Europe occidentale), ou dont la dépendance des importations est quasi totale (Japon, Corée du Sud), il s’est fortement accru par la nécessité vitale de protéger leur économie contre les crises d’approvisionnement en créant d’énormes réserves.

Il en est de même aux États-Unis, où la création de leur Strategic Program of Reserves (SPR), réalisé presque exclusivement en souterrain, a porté les stocks de quelques semaines en 1973 à 250 millions de barils à la fin de 1982, soit 40 jours d’importation, et à 750 millions de barils depuis 1985, soit 120 jours d’importation.

Plus dépendants que les États-Unis, qui n’ont importé que 51 p. 100 des 762 millions de tonnes de pétrole consommé chez eux en 1993, la plupart des pays européens, dont la France, avaient atteint le niveau de 90 jours de réserves avant la crise de 1973 au prix d’investissements considérables.

L’évolution relative du prix du pétrole brut et du stockage entre 1973 et 1981 a donné un poids économique prépondérant au stock mort (stock obligatoire: obligation légale de trois mois de stockage en Europe). Les chiffres du tableau 1, fondés sur des coûts moyens aux époques considérées, illustrent ce fait. Ils correspondent à des stockages en grandes masses d’hydrocarbures liquides (volumes supérieurs à 1 million de mètres cubes) pour lesquels le stockage souterrain coûte environ 40 p. 100 moins cher que le stockage aérien.

Cela montre l’importance de l’effort financier que les nations industrielles ont dû supporter pour protéger leurs économies à l’aide de stockages. Encore ne s’agit-il que de produits liquides, le gaz étant exclu de ce qui précède. De plus, des raisons techniques (stocks outils, taux de remplissage, ségrégation des produits, etc.) portent les besoins réels de volumes de stockage très au-delà de ceux qui correspondent au logement des seuls 90 jours légaux.

Les fonctions du stockage

Stocker le pétrole répond à un impératif économique. On ne peut imaginer une chaîne allant de la tête de puits sur les champs producteurs à la pompe à essence du consommateur sans stockages régulateurs.

Les fluctuations de la demande sont nombreuses et entraînent des pointes de consommation: journalières, notamment pour les combustibles à usage domestique (gaz, fuels) ; hebdomadaires, pour les carburants d’automobiles; saisonnières pour les combustibles de chauffage (gaz, gaz liquéfiés et fuels).

Des installations de production, de transport (oléoducs, gazoducs, tankers), de raffinage capables d’absorber toutes ces pointes seraient antiéconomiques, d’où la nécessité de répartir des capacités régulatrices: sur les champs pétroliers , pour conserver un volant d’expédition, assurer la collecte des puits et pallier les incidents de production; aux extrémités des oléoducs : car les enlèvements ou arrivages par tankers, à cadences de chargement et déchargement très supérieures à celles des oléoducs, imposent des stockages importants, indispensables par ailleurs pour la ségrégation de pétroles bruts d’origines différentes; dans les raffineries et à proximité des lieux de consommation .

L’amplitude et la durée des pointes saisonnières ont des répercussions notables sur l’économie du raffinage et des transports maritimes (variation des taux de fret). Leur effacement était devenu économique à l’apparition, après la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis d’abord, puis, peu après, en Europe et en U.R.S.S., des techniques de stockage souterrain appropriées aux très grandes capacités décrites plus loin.

Depuis que les grands États producteurs, en reprenant le contrôle des ventes de pétrole brut aux sociétés pétrolières, ont fait cesser l’intégration de la chaîne qui va du gisement à la pompe à essence, l’économie du système a été totalement bouleversée:

– le coût du mètre cube de pétrole est devenu environ deux fois celui du mètre cube de réservoir;

– les approvisionnements ont acquis un coût politique;

– bien que la garantie de la ressource et son prix semblent de moins en moins précaires avec l’excédent de production actuel, la possession de stockages importants demeure un atout précieux face à des crises énergétiques soudaines, telle la guerre du Golfe.

La possession de stockages importants constitue un atout indispensable dans un monde en pleine turbulence énergétique.

Différents types de stockage souterrain répondent à cette fonction: les stockages de gaz en formations aquifères dont une variante consiste à utiliser les gisements de pétrole ou de gaz décomprimés ; les stockages de gaz (gazeux ou liquéfiés) ou de liquides dans des cavités artificielles créées soit par dissolution de couches de sel gemme, soit par minage de roches de caractéristiques appropriées; les stockages de gaz (à l’état gazeux) ou de liquides dans des mines abandonnées.

Différents types de stockage

Stockages aériens

Actuellement, les stockages aériens sont les plus répandus, en raison de leur aptitude à s’adapter à la presque totalité des sites. Selon les produits à stocker, on distingue plusieurs types de réservoirs:

– Pour les gaz, les gazomètres fonctionnant à une pression voisine de la pression atmosphérique tendent à disparaître en raison du coût élevé au mètre cube stocké ramené aux conditions standards (1 atmosphère/15 0C), par suite de la faible pression de stockage. Dans le stockage aux températures cryogéniques (fig. 1), un gaz naturel liquéfié (G.N.L.) occupe 587 fois moins de volume lorsqu’il est refroidi à – 165 0C; les réservoirs, métalliques ou en béton précontraint, sont à double paroi; une isolation thermique très poussée limite la consommation de frigories; la paroi métallique exposée au choc thermique est en acier spécial à 9 p. 100 de nickel ou en aluminium. Ils doivent être protégés contre les chutes d’avions.

Dans leurs versions les plus élaborées, conformes aux nouvelles réglementations, ils atteignaient des coûts très élevés, de 3 000 à 4 000 F par mètre cube en 1981. Parmi les plus grands existants, on peut citer les deux réservoirs de Montoir en Bretagne (120 000 m3 chacun).

– Pour les gaz de pétrole liquéfiés (G.P.L.) tels le butane et le propane, on distingue les réservoirs sphériques ou cylindriques horizontaux fonctionnant à la température ambiante où les produits, liquéfiés sous pression, sont en équilibre avec leur vapeur (pressions respectivement de l’ordre de 0,75 et 0,2 MPa pour le propane et le butane à 15 0C). Ces réservoirs exigent des parois de forte épaisseur, ce qui, pour des raisons technologiques, limite leur volume à 6 000 m3 environ. Les réservoirs semi-réfrigérés ou réfrigérés permettent de maintenir les G.P.L. à basse pression dans des réservoirs moins coûteux que les sphères calculées pour de hautes pressions (1,75 MPa pour le propane). Ils nécessitent une unité de réfrigération pour maintenir le produit à la température requise (de – 42 à – 45 0C pour le propane).

– Pour les liquides à forte tension de vapeur (bruts volatils, carburants pour auto ou avion), des réservoirs spéciaux sont généralement utilisés pour prévenir les pertes de vapeur par évaporation, respiration diurne ou remplissage. Il existe des réservoirs à toit conique étanche munis de soupapes contrôlant la pression interne. Leur sommet est parfois relié par un collecteur au ciel gazeux des réservoirs voisins pour limiter les rejets de vapeur ou à un autre récipient à volume variable (vaposphère) où les vapeurs sont condensées afin d’éviter toute pollution atmosphérique. Les réservoirs à toit flottant suppriment la pollution atmosphérique: le toit flottant, reposant directement sur le liquide, suit tous ses déplacements; constitué d’un voile d’acier raidi à sa périphérie et muni d’un joint d’étanchéité, il peut être externe ou interne ; dans ce dernier cas, il est protégé par un toit fixe, conique ou sphérique, selon le diamètre, dont le rôle est de garantir les produits contre les agents atmosphériques (neige, pluie, etc.).

– Pour les liquides à tension de vapeur faible ou nulle: (pétroles bruts lourds, combustible de fours, carburants diesel), on utilise de simples réservoirs à toit conique.

Stockages souterrains

Les stockages souterrains demeurent une solution d’avenir. Déjà compétitifs pour les grands stockages, ils le deviennent pour les plus petits. Ils ont, de plus, des avantages déterminants sur le plan de l’environnement (respect du paysage, préservation des espaces verts, sécurité).

Ce sont, semble-t-il, les Allemands qui, les premiers, en 1916, déposèrent, au nom de la Deutsche Erdöl, un brevet portant sur le stockage d’hydrocarbures dans les cavités dissoutes dans le sel.

Après le second conflit mondial, les États-Unis, reprenant cette idée, généralisèrent le stockage de leurs réserves saisonnières de G.P.L. dans le sel.

Selon l’American Gas Association, les stockages souterrains de gaz en activité aux États-Unis étaient, en 1988, au nombre de 393, dont 331 dans des gisements de gaz ou d’huile abandonnés, 47 dans des couches aquifères, 14 dans les cavernes lessivées dans le sel. La capacité totale atteignant 221 milliards de mètres cubes.

Parallèlement, les Suédois, favorisés par la qualité de leur granite et possédant une grande maîtrise des techniques de minage, réalisaient économiquement de vastes cavernes souterraines pour y stocker des hydrocarbures liquides et liquéfiés.

Ces techniques, qui connurent un développement plus lent en France et en Allemagne, se sont développées à un rythme accéléré depuis 1965.

Les stockages en couches aquifères ne sont utilisés que pour les gaz qui, par suite de leur très faible viscosité, peuvent être injectés et soutirés à cadence rapide dans des formations perméables généralement constituées par des sables ou des grès.

Le réservoir n’étant jamais totalement décomprimé, un certain volume de gaz, dit «gaz coussin», n’est pas récupéré. La figure 2 représente une configuration géologique particulièrement favorable: un piège structural constitué par un anticlinal.

Les stockages de ce type les plus importants se trouvent à Stehelkovo en U.R.S.S. (2,8 milliards de m3), à Horscher Dome près de Chigaco (2,5 milliards de m3). Il en existe une trentaine en Europe dont dix en exploitation et douze en exploitation en France (tabl. 2).

Les stockages dans le sel sont réalisés par lessivage à l’eau douce de formations salines du sous-sol, de façon à créer des cavités dans lesquelles les hydrocarbures gazeux, liquéfiés ou liquides peuvent être stockés.

La figure 3 illustre les principes de création et d’exploitation de ces cavités qui atteignent des volumes unitaires de l’ordre de 600 000 m3.

En 1991, il en existait 1 100 en fonctionnement aux États-Unis pour les G.P.L.

Dans le sud-est de la France, le stockage de Manosque, d’importance mondiale, atteint en 1993 un volume utile de 7 770 000 mètres cubes répartis en 36 cavités permettant de stocker séparément 11 qualités de pétroles bruts et 3 produits raffinés différents, ainsi que plusieurs cavités en cours d’affectation au gaz naturel.

D’autres cavités du même type ont été créées pour le stockage de gaz naturel ou de G.P.L., notamment dans les bassins salifères de Bresse et du Valentinois. Le tableau 3 récapitule l’ensemble des stockages souterrains existant dans le sel en France en 1993.

Les stockages en cavités minées conviennent également pour tous les hydrocarbures. Excavés à l’explosif ou à la machine, les volumes de stockage sont des chambres munies de piliers ou des galeries parallèles.

La roche, pour que le stockage soit économique, doit être mécaniquement stable et aussi étanche que possible. Les cavités sont placées sous des nappes phréatiques contrôlées, à profondeur telle que la pression hydrostatique soit à tout moment supérieure à la tension de vapeur du produit stocké.

De nombreux stockages fondés sur ce principe d’étanchéité existent, notamment en Scandinavie, aux États-Unis et en France. Ils contiennent toutes sortes d’hydrocarbures, liquides ou liquéfiés sous pression, refroidis aux températures cryogéniques ou réchauffés (fuel lourd). Cinq stockages de G.P.L. de ce type fonctionnent en France, dont ceux de Lavéra (Bouches-du-Rhône – 123 000 m3) et du Vexin (130 000 m3) contenant tous deux du propane liquéfié sous une pression de 0,7 MPa à 15 0C avec une profondeur du toit des cavernes voisine de 110 m sous la nappe phréatique. Le second stockage créé à Lavéra, d’une capacité de 189 000 m3, est destiné au butane (chimique et commercial).

Fondés sur le même principe d’étanchéité, les stockages en mines abandonnées sont beaucoup moins répandus. Il en existe aux États-Unis et en Belgique pour des gaz naturels stockés à faible pression, ainsi qu’en Afrique du Sud pour des hydrocarbures liquides. En France, le stockage de fuel domestique de May-sur-Orne, en Normandie, mis en service en 1972, fermé en 1993, était réalisé dans une mine de fer abandonnée, avec une capacité de 5 millions de mètres cubes qui en faisait l’un des premiers du monde. D’autres ont été réalisés aux États-Unis à Weeks Island et à Côte Blanche en Louisiane dans le cadre du programme de stockage stratégique de pétrole brut.

On ne citera que pour mémoire les nombreuses études et essais faits par les États-Unis, l’U.R.S.S. et la France pouvant aboutir à la création de stockages souterrains de pétrole par des explosions nucléaires contenues.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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